Le Figaro Marie-Estelle Pech 13 octobre 2018
La fusion des communes, une politique à efficacité variable
En créant des villes « nouvelles », certains élus parviennent à retrouver du dynamisme. À condition que leur motivation ne s’en tienne pas à l’obtention des aides financières.
URBANISME Les communes « nouvelles » fleurissent depuis la loi de 2015 qui a renouvelé les anciens textes encadrant les fusions. Soutenus financièrement par l’État pendant trois ans, 1 500 maires ont sauté le pas, donnant naissance à 600 communes nouvelles. L’objectif affiché par l’État est de promouvoir ces regroupements pour réaliser des économies d’échelle et revitaliser les communes.
Pour Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire), la fusion de sa commune avec quinze autres villages (12 000 habitants) a été « positive » en termes de dynamisme économique pour ce terroir rural. Commencée en 2012 et élargie en 2015, la fusion a permis de créer quatre commerces supplémentaires dans quatre villages différents : boulangerie, épicerie, restaurant. « Nous avons pu rénover des locaux commerciaux et leur proposer à prix très raisonnable. Sans la fusion, un tel investissement était inenvisageable financièrement », estime-t-il.
Moyennant un investissement de 4 millions d’euros, une maison de santé a pu être ouverte comprenant quarante professionnels dont huit infirmières et dix médecins, professions de plus en plus rares en milieu rural. « Nous avons même réussi à attirer de jeunes médecins de la banlieue d’Angers », se félicite-t-il, estimant par ailleurs à 20 % les économies de fonctionnement permises par la fusion. Même enthousiasme de la part de Patrick Martin, maire de Petit-Caux (Seine-Maritime) qui a fusionné avec dix-huit communes auparavant regroupées en communauté de communes en 2016.
« Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus forts », assure-t-il. Pour porter le futur projet d’aménagement de zones d’activité par exemple. Le secrétariat des différentes mairies et la paye des agents ont par ailleurs pu être mutualisés ainsi que l’entretien des espaces communaux.
Tracas administratifs
Ces fusions ne se sont néanmoins pas accomplies sans grincements de dents. Les habitants des communes historiques ont parfois le sentiment d’avoir perdu leur âme. Et leurs maires délégués d’avoir moins de proximité avec leurs administrés. Tous ont été agacés par des tracas administratifs. Enfin, avec cette harmonisation, si certains villages payent moins d’impôts locaux, les autres en payent davantage… Selon le vice-président de l’Association des maires ruraux de France, Dominique Dhumeaux, à l’approche des élections municipales, de nombreux citoyens se regroupent pour « être sûrs qu’ils seront représentés ».
Pour cette association beaucoup plus critique sur le sujet que l’Association des maires de France, laquelle avait soutenu la loi de 2015, cette dernière « perturbe l’équilibre démocratique, la population n’ayant pas été consultée ». Pour le moment, des maires délégués demeurent dans les différentes mairies des communes historiques mais, après 2020, « il n’y aura plus qu’un seul conseil municipal. L’essentiel des élus viendra du plus grand village. Les petits seront peu représentés ». L’effet de la loi est difficile à mesurer souligne Frédéric Ville, auteur du livre Communes nouvelles, atouts et dangers. « Beaucoup ont été appâtés par le pacte financier qui garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes acceptant de fusionner. D’autant plus qu’elles font face depuis plusieurs années à une baisse importante… Mais elles n’ont pas réfléchi à la suite. Or une fusion ne marche que s’il existe un vrai projet commun. » Faciliter la réalisation d’investissements comme une salle communale, mutualiser : « Cela peut avoir du sens mais dépend de la volonté commune des élus. » Attention aussi aux augmentations de dépenses inattendues. Dans telle commune nouvelle de 10 000 habitants, les « élus ne font plus de bénévolat, ils sont remplacés par des salariés… »